Toujours les piles-boutons: étude nationale US!

Ce travail utilise la banque de données NEISS (National Electronic Injury Surveillance System = système national de surveillance informatique des accidents) pour étudier les accidents d’enfants de moins de 18 ans survenus aux USA entre 1990 et 2009 en rapport avec des piles-boutons: ingestion, insertion nasale et conduit auditif externe.
Cela concerne 66’788 enfants, soit 3289 cas par an, nécessitant une prise en charge médicale. L’âge moyen est 3.9 ans et concerne 60.2 % de garçons. Les auteurs observent un accroissement du problème au cours des 20 années étudiées, particulièrement marqué durant les 8 dernières années.
Les ingestions sont de loin les plus fréquentes (76.6%), suivies par les insertions nasales (10.2%) ou auriculaires (5.7%). La grande majorité n’a pas eu de grave conséquence (91%).
Les auteurs insistent sur les mises en gardes et l’information aux parents.

Commentaire O. Reinberg:
Même si 90% des accidents liés aux piles sont mineurs, les 10% restant posent problème. Il est bon de rappeler le danger des piles ingérées dont les effets ne sont pas seulement dus aux lésions de décubitus liées à la présence d’un corps étranger, mais aussi à la nature des piles-boutons et des courants qu’elles génèrent. Les piles-boutons doivent être rapidement extraites, en particulier celles qui sont œsophagiennes. En complément, voici encore le cas d’un enfant de 3 ans, ayant présenté une perforation oesophagienne sévère rapidement après l’ingestion d’une pile-bouton. (A 20 mm lithium button battery causing an oesophageal perforation in a toddler: lessons in diagnosis and treatment. Soccorso G, Grossman O, Martinelli M, Marven SS, Patel K, Thomson M, Roberts JP. Arch Dis Child 2012 ; 97(8):746-7.

Référence:
Pediatric Battery-Related Emergency Department Visits in the United States, 1990-2009.
Sharpe SJ, Rochette LM, Smith GA.
Pediatrics 2012; 129(6):1111-7.
Affiliation: Center for Injury Research and Policy, The Research Institute at Nationwide Children’s Hospital, Columbus, Ohio.

Corps étrangers dans les voies respiratoires

Méta-analyse italienne dont le but est d’évaluer les risques d’asphyxie en rapport avec la forme, la taille et la consistance de corps étrangers inhalés chez les enfants. L’étude est intéressante par son importance, puisqu’elle fait une analyse exhaustive de la littérature sur 30 ans (1978-2008). Sur plus de 1600 articles revus, 1063 ont été jugés pertinents incluant un total de 30’477 enfants.
L’âge critique d’inhalation est compris entre 0 et 3 ans (67%). Les corps étrangers organiques les plus souvent impliqués sont les noix (noisettes, arachides) (39%), des graines (25%), tandis que parmi les inorganiques, les petits aimants sont les plus fréquents (deux fois plus que les petites éponges qui viennent ensuite). Beaucoup d’objets inhalés n’auraient jamais dû être accessibles à des petits enfants: punaises, clous, vis, épingles.
Les accidents surviennent sans surprise quand l’enfant mange ou joue.
La localisation trachéale, la plus dangereuse, représente 15% des cas. Il y a 62% d’inhalation à droite vs 38% à gauche lorsqu’elle est bronchique.
Les symptômes classiques sont ceux d’une obstruction sévère et aiguë des voies respiratoires avec toux, dyspnée, bruits respiratoires diminués ou absents et vont jusqu’à l’asphyxie complète.
Des symptômes non spécifiques, voire une absence totale de symptôme, sont des constatations fréquentes ce qui rend les inhalations très dangereuses et mène à de faux diagnostics ou à un retard de prise en charge adéquate. Sur l’ensemble de l’étude, les radiographies étaient normales dans 47% des cas et seules les endoscopies ont permis de faire le diagnostic et de traiter. Dans 40% des cas le diagnostic a été fait plus de 24 heures après l’inhalation. Ceci explique que 15 % (!!) des enfants présentent des complications aiguës ou chroniques. Parmi les plus graves, on mentionne 6% de décès, 2.4% d’arrêts respiratoires et 2% d’arrêts cardiaques.
Enfin sur ce grand nombre d’articles traitant du sujet, seuls 5 font référence à la présence ou non d’adultes au moment de l’accident, traduisant pour les auteurs le peu d’intérêt porté à la prévention dans ce domaine.
Bien que les études soient difficilement comparables entre elles et d’une grande hétérogénéité, les auteurs insistent sur l’importante morbidité liée aux inhalations de corps étrangers. Ils plaident pour une prise de conscience et pour l’introduction d’une meilleure prévention.

Commentaire O. Reinberg :
Cette étude est proche de celle rapportée dans qui venait de Hong-Kong en 2009. Pour mémoire les auteurs mentionnaient l’importante différence de complications qui résultait du délai de prise en charge selon qu’elle était précoce (moins de 7 jours) ou tardive, le fait que beaucoup de ces d’enfants peuvent être asymptomatiques et que le diagnostic radiologique est insuffisant. Il est une preuve positive, mais ne permet pas d’exclure une inhalation de corps étranger. Une seule attitude possible: en cas de doute une endoscopie en urgence s’impose, même si les radiographies sont normales.
Du point de vue prévention, l’information sur le risque lié aux graines et aux cacahuètes en particulier doit être rappelée sans relâche aux parents : les parents ne devraient pas en donner aux petits enfants. Participant depuis des années à des missions en Afrique, je suis toujours surpris de ce que toutes les mamans africaines savent que « l’arachide tue », tandis que dans le monde industrialisé on reçoit ses amis avec des pistaches et des cacahuètes à l’apéritif en présence de petits enfants. A ce sujet, relire dans Pipades  le niveau de connaissance des parents concernant les risques d’inhalation et le rôle essentiel que les pédiatres ont à jouer dans cette prévention.

Référence :
Foreign bodies in the airways: A meta-analysis of published papers.
Foltran F, Ballali S, Passali FM, Kern E, Morra B, Passali GC, Paola Berchialla P, Lauriello M, Gregori D.
Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2012; 76-Suppl 1: S12–S19.
Affiliation : Italie, multicentrique

Décès d’enfants par produits toxiques

Les responsables de la Base de données du centre antipoison US (US National Poison Center Database System (NPDS)) ont confié à 3  pédiatres toxicologues, la tâche d’analyser en détail les intoxications ayant entrainé le décès d’enfants de moins de 18 ans sur une année, du 1.1. 2010 au 31.12.2010.Ils ont recensé 74 cas dont 63% (47 cas) concernent des enfants de moins de 6 ans et sont des accidents. Parmi les 28 cas au delà de 6 ans, 13 étaient à but suicidaire et les 15 autres par abus de substances diverses. Les auteurs précisent que 2 préadolescents de 12 ans sont décédés d’inhalation volontaire de substances toxiques dans un contexte d’abus et non de suicide.

L’analyse détaillée des décès d’enfants de moins de 6 ans relève:

  • 2 cas de surdosage de flecainide (antiarythmique) prescrit, entreposé dans un réfrigérateur mais sans emballage de sécurité (préparation spéciale pour enfant).
  • 2 cas d’intoxication massive au monoxyde de carbone lié à l’usage de bougie à la citronnelle ou torche (les auteurs continuent à militer pour leur interdiction aux USA).
  • 4 erreurs de médication chez des enfants à pathologies complexes et traitements multiples dont 2 par erreur de la voie d’administration.
  • 3 cas d’homicides prouvés, mais probablement d’autres cas dont les preuves de la mauvaise intention n’ont pu être apportées.

Les cas d’intoxications volontaires, soit par abus de substances toxiques, soit par suicide ne rentrent pas dans la démarche de la prévention d’accidents.

Dans la plupart des centres antipoison sont enregistrés: les produits en cause, les doses, l’âge et le poids des enfants. Les auteurs insistent sur la nécessité d’inclure dans ces analyses, les circonstances en particulier y avait-il un emballage de sécurité et rappellent que des intoxications peuvent résulter de maltraitance.

Commentaire O. Reinberg:

Déjà en 1991, le Tox Zentrum dans le rapport rédigé à l’occasion de ses 25 ans, montrait bien la surreprésentation des intoxications par médicaments chez les enfants.
Déjà en 1989 dans le Rapport à la Commission de Pédiatrie pour le Conseil d’Etat Vaudois, nous attirions l’attention des autorités sur le problème des intoxications chez l’enfant.

Elles résultent de 3 circonstances:
1) les foyers suisses disposent en général d’une pharmacie de ménage, mais les produits en cause dans les intoxications sont accessibles sur la table de nuit ou dans la cuisine.
2) La majorité des produits en cause dans les intoxications par produits chimiques ont été trouvés sous l’évier dans des flacons ne disposant pas de bouchons de sécurité. Nous persistons à entreposer les produits dangereux sous l’évier et non en hauteur.
3) la Suisse n’a toujours pas de législation sur les emballages de sécurité.
Pourtant UNICEF a mené une étude dans 26 pays de l’OCDE sur l’application de 6 mesures dont les effets ont été statistiquement validés comme efficaces, reprises dans l’imposant rapport de l’OMS de 2009 sur la prévention des accidents d’enfants. Seuls 3 pays ont légiféré dans au moins 5 des 6 domaines proposés (USA, Canada, Australie). La Suisse n’a de mesures légales que dans le seul domaine des dispositifs de retenue pour enfant dans les véhicules. Il existe des normes en matière d’emballages sécurisés pour prévenir les intoxications pédiatriques en Australie, Canada, USA, Nouvelle-Zélande, Union Européenne, mais pas en Suisse…

Référence complète:
2010 Pediatric fatality review of the national poison center database:Results and recommendations.

Calello DP, Marcus SM, Lowry J.
Clin Toxicol 2012; 50(1): 25-26.
Affiliation: New Jersey Poison and Information System, New Jersey Medical School Department of Preventive Medicine, USA.

Risques liés aux ingestions de piles-boutons

Les auteurs du premier article rapportent le cas d’un enfant de 3 mois qui avait avalé une pile-bouton que sa sœur lui avait mise dans la bouche et forcé à avaler 2 jours auparavant, à l’insu de leurs parents. La pile a été découverte sur une radiographie de l’abdomen. Il a été tenté de récupérer la pile par endoscopie ce qui s’avéra impossible, la pile étant déjà incrustée dans la paroi gastrique. Elle fut retirée par laparotomie. Lors de l’ouverture de l’estomac, la pile de 10 mm de diamètre avait déjà traversé la paroi gastrique et était au contact de la séreuse, entourée de tissus nécrotiques. La pile d’un diamètre de 10 mm était intacte et le joint entre l’anode et la cathode ne s’était pas ouvert. L’hospitalisation a duré 23 jours, jusqu’à ce qu’une alimentation entérale complète ait pu être reprise.

Les auteurs insistent sur le fait que le courant électrique généré par la pile et/ou la brûlure chimique peuvent ulcérer la paroi gastrique en particulier chez un petit enfant. Tous s’accordent sur le fait qu’un corps étranger œsophagien doit être retiré en urgence, mais les avis divergent sur les corps étrangers gastriques, en particulier les piles-boutons. Les auteurs sont d’avis que celles-ci doivent également être retirées rapidement, (avis que nous partageons).
Le second article sur ce sujet rapporte une expérience similaire: sur 10 enfants ayant ingéré des piles-boutons, 5 ont eu une atteinte sévère des couches musculaires de l’œsophage ou de l’estomac et 2 avaient perforé, l’un d’entre eux jusque dans la trachée entraînant une fistule trachéo-oesophagienne.

Les auteurs insistent sur le fait que les lésions ne sont pas seulement dues aux lésions de décubitus liées à la présence d’un corps étranger, mais bien à la nature des piles-boutons qui doivent être retirées en urgence.

Références complètes:
Severe gastric damage caused by button battery ingestion in a 3-month-old infant.
S Honda , M Shinkai, Y Usui, et al.
J Pediatr Surg 2010; 45(9): e23-e26
Affiliation:  Department of Surgery, Kanagawa Children’s Medical Center, Yokohama, Japon.

Kimball SJ, Park AH, Rollins MD, Grimmer JF, Muntz H
A review of esophageal disc battery ingestions and a protocol for management.
Arch Otolaryngol Head Neck Surg.
 2010; 136(9): 866-871.
Affiliation: University of Utah School of Medicine, Division of Otolaryngology-Head and Neck Surgery, Salt Lake, USA.

Attention aux noyaux d’abricots!

Encore un article qui attire l’attention du risque d’intoxication au cyanure par ingestion des noyaux d’abricots que les enfants cassent et dont ils dégustent les amandes.

Les auteurs rapportent 13 intoxications d’enfants en 4 ans avec plusieurs cas sévères nécessitant 4 fois une ventilation assistée, ainsi que des hypotensions (2), des comas (2) et des convulsions (1). Six patients ont présenté une hyperglycémie se résolvant spontanément mais 3 ont nécessité de l’insuline pour quelques heures.

Une intoxication à connaître.

Référence complète : Cyanide poisoning caused by ingestion of apricot seeds.
Akyildiz BN, Kurtoğlu S, Kondolot M, Tunç A.
Ann Trop Paediatr. 2010; 30(1):39-43.
Origine: Department of Pediatric Intensive Care, Faculty of Medicine, Erciyes University, Kayseri, Turkey.

Mettre le doigt dans la bouche pour réanimer son enfant n’est pas sans danger

Dans les situations d’urgence les proches d’un enfant ont souvent le réflexe de débarrasser l’oropharynx avec le doigt pour en évacuer un éventuel corps étranger. Cette pratique n’est pas sans risque comme le rapporte cet article de médecine légale à propos de 3 cas de décès, tous chez des enfants de moins de 1 an. Les corps étrangers impliqués étaient une bille, un morceau de crayon et un pois chiche. Dans tous les cas, initialement les enfants criaient, donc n’avaient pas encore d’obstruction complète des voies respiratoires. L’introduction du doigt avait poussé le corps étranger trop bas dans les voies respiratoires pour pouvoir être ôté, entraînant le décès de l’enfant.

Référence complète :
Infants choking following blind finger sweep.
Abder-Rahman HA.
J Pediatr (SBP) 2009; 85(3) :273-275
Origine : Forensic Medicine and Pathology Department, Faculty of Medicine, University of Jordan, Amman, Jord